Traversée Ilha Grande/Guyane
 
 

Dimanche 9 septembre, 12 heures.
Après avoir fait le plein d'eau sur le rocher au milieu de la baie, nous relevons nos deux ancres et prenons la route de la Guyane. J'hésite à faire une halte à Abraao pour consulter la météo. Depuis plusieurs jours le temps est calme et nous sommes déjà dans l'illégalité, cap au Nord... Nous nous en mordrons les doigts !!!


De nombreuses sources descendent jusqu'à la mer. Dans la baie de Sitio Forte, un tuyau est à disposition sur un rocher. Le débit est considérable et l'eau est soit disant potable. Nous avons fait l'appoint mais l'avons quand même traitée.




18 heures. La nuit tombe. Le vent est faible et la mer agitée. Nous laissons La passe Est d'Ilha Grande et son lot de cargos au mouillage et tirons un bord au large pour nous dégager de la côte et éviter les barques de pêcheurs.

Le vent monte petit à petit et nous nous retrouvons sous deux ris et génois à moitié roulé. Nous faisons cap sur l'Afrique du sud … Pas bon du tout. Parer à virer ? Envoyer.
Au petit matin, nous nous trouvons à 15 milles du point de 18 heures. Contre vent et courant, nous tirons des bords carrés. Heureusement le vent faiblit et pouvons nous aider du moteur pour avancer enfin dans la bonne direction. Nous passons au large de Rio dans la nuit.


Les 11-12-13-14 et 15 septembre nous pratiquons cette fatigante danse du prés serré. Nous tirons bord sur bord par 25 à 35 nds d'Est dans une mer chaotique et courant contraire. 200 milles de gagnés en 6 jours pour 720 milles de sillage… Prendre des ris, renvoyer, adapter au mieux la surface de voiles à la force du vent en restant suffisamment toilé pour passer en force dans cette mer bien formée tout en espérant la saute de vent qui nous fera enfin tenir le bon cap... Voila notre quotidient.

S'acharner, même après une rupture de ridoir de Bas-hauban réparé avec les moyens du bord, à tirer un bord toutes les trois heures…. Jusqu'au grain trop fort ou l'on se dit « - Trop c'est trop, faisons demi-tour et attendons une fenêtre météo. ».
Nous n'avons plus le droit de poser un pied au Brésil. Il faut trouver une planque en attendant des conditions favorables. A Rio : Impossible. Ne reste que la Baie d'Ilha Grande… Tout ça pour rien.
24 heures après avoir rebroussé chemin, le vent tombe, l'atmosphère se sature d'humidité, la mer devient froide et le baro baisse. Il va se passer quelque chose. Un tout petit vent du Sud se lève… On se regarde… Cap sur la guyane.



La nuit tombe, le brouillard aussi. Nous passons pour la troisième fois devant Rio, le radar nous aide beaucoup car les cargos sont nombreux. La mer et le courant sont toujours contre nous. Nous faisons route moteur, le vent est faible, notre vitesse aussi.
Le 17 septembre au matin, un vent soutenu de Sud-Ouest se lève, et nous voilà en ciseaux, plein vent arrière le sourire aux lèvres. Deux jours de vent fort et portant nous enchantent. Nous naviguons entre la terre et un champ de plateformes pétrolières. Nous voyons de nombreuses baleines dont certaines bondissent hors de l'eau et retombent lourdement en faisant de grands splatchs…



Le 19 le vent tourne au Sud-Est en faiblissant, nous faisons route au près mais gardons le moral : Le cap est bon. Nous décidons de faire une escale incognito à Itaparica dans la baie de Bahia. J'aimerai solidifier le gréement et nous sommes trop juste en fruits et légumes.


Nous terminerons sur un seul bord.
Un petit thon
Nous étions en route de colision. Aprés appel radio, ce cargo se déroutera.

Nous mouillons à Itaparica le dimanche 23 septembre à 9h du matin. 14 jours de mer, 1500 milles au loch pour 900 milles en direct. Le voilier est vraiment le moyen le plus lent, le plus inconfortable et le plus humide pour aller d'un point à un autre.



Six jours d'escale, juste le temps de faire un aller retour Salvador en Ferry pour modifier notre ridoir défaillant, faire l'entretien du moteur, vérifier entièrement le gréement, faire le plein d'eau et de Gasoil, faire la lessive, envoyer tout un tas de mails, tél à nos chouchous, aller à Maragojipe faire un marché d'enfer et consulter la météo avant de reprendre la mer le dimanche 30 septembre à 6h du matin, marée oblige.



Il nous reste 1900 milles (3500kms) jusqu'en Guyane Française... Que le Brésil est grand. En automne et en hiver, les alizés de Nord-Est dominent le long de cette côte. Heureusement la météo annonce de l'Est Sud-est modéré pour la semaine à venir. Une fois passée la latitude de Recife notre cap s'infléchira vers l'Ouest et les vents deviendront plus Sud. Nous serons portant pendant plus de 1500 milles……….. Depuis le temps qu'on en rêvait.


Nous pêchons quelques belles dorades coryphènes, mais nous nous faisons arracher une bonne partie de nos leurres. Il y a des monstres dans la mer par ici.


A tangonner, à empanner, les manœuvres se suivent quart après quart. La mer est généralement plus forte que le vent. Julo roule de bon cœur avec force et dynamisme.



L'équateur est franchi le 9 octobre à 8h27 du matin. La coutume veut que l'on fasse une offrande à la mer. Nous avons trinqué à la cachaça. Une giclée pour l'océan, une autre dans le gosier.


Du coup rien n'est pareil. On ne sait plus si l'on a la tête en bas ou en haut ? Le soleil qui brillait devant le bateau se retrouve derrière. Il se déplaçait de droite à gauche, il va maintenant de gauche à droite, la lune a fait une demi pirouette …



Ici, nous sommes sur un immense tapis roulant. Imaginez la surface de la mer se déplaçant à 3 nœuds sur plusieurs centaines de Kms de large. Des milliards de M 3 d'eau se déplacent au Nord-Ouest de 130 Kms par jour. Julo, emporté par ce courant et poussé par un vent de plus en plus léger fait de bonnes moyennes journalières.



Nous naviguons sur un banc de thons rouges depuis plusieurs jours. Les lignes sont à l'eau, mais la vitesse du bateau est si faible que nos leurres doivent sembler bien fades. Remarque c'est aussi bien vu la taille des poissons que nous apercevons… 60,80,100Kg, difficile à estimer, mais c'est du gros. Une bande d'oiseaux chamailleurs suivent les thons et prennent part au festin. Y a du monde la dessous. Puis un matin, plus rien, si ce n'est un gros poisson nageant sous le bateau tout près du gouvernail. On ne lui voit que la queue, impossible à identifier.


Mercredi 17 octobre 6 h. Nous arrivons à la bouée d'atterrissage du Fleuve Mahury à PM – 2h. Le chenal long de 10 milles, peu profond mais bien balisé nous conduit au port de Degrad des Cannes. Nous avons 17 jours de mer pour 2000 Milles au loch depuis Bahia… Et 31 jours pour 3500 milles depuis Ilha Grande. Que c'est bon d'arriver.