Les Salomon.
 
 

Six jours après avoir quitté le Vanuatu, l'ancre croche devant le Yacht-club de Honiara aux Iles Salomon. Ce fût une traversée tranquille, les doigts de pieds en éventail, avec peu de vent et des nuits de pleine lune.


Nous descendons en début d'après midi pour faire notre entrée officielle aux Salomon, mais une drôle d'ambiance règne dans la ville. Tout est fermé et les rues grouillent de gens désoeuvrés. Nous nous sentons intensément regardés et une tension malsaine nous fait rebrousser chemin: Le Yacht-club est un endroit sécurisé et sympathique. On nous y apprend que le pays est en pleine instabilité politique, le premier ministre étant mort il y a quelques jours. En attendant c'est la pagaille et le peuple manifeste son mécontentement. Aujourd'hui est un jour de grève et de contestation…


Le lendemain tout semble redevenu normal, nous pouvons faire notre entrée aux Salomon. D'emblée, nous n'aimons pas Honiara. La ville est sale et ça pue. La plupart des habitants consomment du bétel à longueur de journée. Ils ont la bouche vermillon et les dents tachées. Tout le monde crache un jus épais et rouge… C'est vraiment crade.

Nous décidons de partir rapidement dans les îles où l'accueil devrait être plus chaleureux. La première étape sera Florida Island à 20 milles au Nord-Est. La côte Sud ayant mauvaise réputation, nous nous dirigeons vers le Nord via Mboli Passage où nous passerons la nuit.


A peine la pioche a-t-elle touché le fond qu‘une dizaine de pirogues convergent vers le bateau. Bonjour, comment ça va, comment tu t'appelles… Tralala…tralalala...

« Donne moi des cigarettes, des hameçons, de l'huile … etc… ». Puis viens le « c'est 100$ pour passer la nuit ici »!!! Alors là, ça commence à me gonfler grave mais il faut garder le sourire et rester calme. Je demande à ce que le chef du village vienne en personne réclamer cet impôt et patati et patata… et finis par négocier à 50$.
La nuit tombe, une pirogue passe nous prévenir d'une certaine insécurité dans le coin tout en nous demandant quelques paquets de cigarettes, la vie est dure aux Salomons.

La nuit s'installe et nous ne sommes pas tranquilles. Les pirogues glissent en silence, quelques personnes s'interpellent, des poissons sautent…. Nous devons pouvoir réagir rapidement en cas de problème et décidons d'appliquer le plan VigiPirateSalomon…
Action : Transfiler un petit bout, de filière à filière, sur toute la surface du pont à 60cm de hauteur - Enlever l'échelle de descente – Avoir à portée de main une puissante lampe phare, deux bombes anti-agression et les frontales – Eteindre absolument toute les lampes car en ce moment la nuit est d'encre et le noir nous protège – Ne dormir que d'une oreille et être prêt à bondir en poussant un cri de guerre. L'aube pointe, la nuit s'est finalement bien passée… Serions nous paranos ?


Pas question de traîner dans le coin. Nous quittons ce sympathique mouillage pour rejoindre le village de Siota qui est, en réalité, la plus grande école de la province du centre des Salomon. Nous sommes accueillis par deux prof qui nous font visiter l'école qui est un internat de 300 élèves. Et tout y passe : les salles de classe, le réfectoire, l'église, les dortoirs de 60 lits, le cimetière des missionnaires, le générateur tout neuf, les maisons des profs… et l'école dispose d'un service de sécurité pour la nuit… Nous dormirons tranquilles… enfin peut être… Serions nous vraiment devenus Paranos?

Nous maintenons le plan VigiPirateSalomon pour la nuit… Qui finalement s'est bien passée.


Le lendemain, nous partons pour l'île de Anuha, sept milles plus à l'Ouest. L'île est belle et déserte. Nous sommes suffisamment au large de Florida Island pour nous sentir en sécurité aussi décidons nous de ne pas déclencher le plan VigiPirateSalomon pour la nuit. En attendant, nous partons découvrir ce petit paradis.

22 heures. Annie se prépare à dormir et moi je lis un bon polar en buvant une tisane. Elle se tourne vers moi et me chuchote « y a quelqu'un sur le pont »… Je sors sans bruit avec le projo et éclaire l'avant du bateau. Deux jeunes gaillards sont là. Ils se figent un instant puis sautent à l'eau. Je les suis avec la lumière. Des noms d'oiseaux fusent de part et d'autre. Ils sont complètement éblouis et finissent par rejoindre une petite pirogue où les attendent deux autres complices. La nuit est d'encre et silencieuse. Toutes les cinq minutes, j'éclaire longuement la pirogue qui reste à une centaine de mètres de « Julo ». Le temps passe… De toute évidence, il n'ont pas fini d'en découdre… Nous devons partir avant qu'ils ne remettent ça. Notre sécurité est au large. Je les sais rapides et silencieux et si ils remontent à bord nous serons très très mal…. Un bon coup de projo pour bien les aveugler puis je prépare la manoeuvre et la route à suivre pour nous dégager des récifs…. Un dernier long coup de projo... nous démarrons le moteur, remontons la chaîne… « Mais qu'il est lent et bruyant ce guindeau » … récupérons l'ancre à la volée et faisons route tous feux éteints vers le large…. La nuit nous avale… Nous sommes sous le choc mais en sécurité… Nous passerons la nuit en mer, cap sur les Russell Islands, 60 milles à l'Ouest. Et non, nous n'étions pas paranos.



Finalement nous ne nous arrêtons pas aux Russell et continuons vers Gizo où paraît-il les voiliers sont plus nombreux. Nous faisons une petite escale à l'extrême Est de New Georgia Island.

Nous sommes gentiment accueillis à Mbili par Milton et troquons trois belles langoustes, histoire de nous remonter le moral, mais nous restons toujours sur le qui vive et ne quittons plus le bateau. Nous en avons plein le dos des Salomon et aimerions nous reposer quelques jours dans un endroit sécurisé.



Lundi 28 novembre 9h, nous levons l'ancre. Il nous reste 108 milles pour Gizo nous y serons demain matin. A cette période, le vent est généralement faible et le moteur souvent sollicité. Nous arrivons en début d'après-midi et mouillons tout près du bateau de la police. Deux voiliers nous tiennent compagnie, nous allons pouvoir souffler un peu.

Nous retrouvons « Sangoma », un voilier Sud Africain que nous avions rencontré il y a quelques années au Brésil. Ils sont enchantés des Salomon et ont bien profité des nombreuses îles. Les avis sont partagés sur ce pays et si quelques uns ont adoré, d'autres ont eu moins de chance. Nos amis de la Familia ont eu de la visite dès le premier soir. Bilan du vol : deux gros sacs poubelle. Ils sont repartis dès le lendemain matin pour la Micronésie. Un petit voilier rouge s'est fait agresser au mouillage : Blessure à la main par coups de machette. Notre ami Claude s'est fait dévaliser pendant son sommeil : Adieu les ordis, lampes, GPS portable, VHF, appareil photos, frontales etc… Sur Mary Blair, ils ne dorment que d'une oreille et ferment le bateau toute les nuits…
Nous décidons de partir au plus vite des Salomon que nous n'aimons pas pour Palau, 1900 milles au Nord-Ouest… Le cap'tain va adorer.

Voyage en voilier.